Semaine de la vaccination du 24/4 au 29/4 : Épidémie silencieuse de cancers de la gorge
- En Belgique, on compte 688 cas de cancers de la bouche et de la gorge (oro-pharyngés), dont au moins 1 sur 4 sont causés par le papillomavirus (HPV). (2)
- Ce cancer atteint trois fois plus d’hommes que de femmes. (1)
- Le nombre de nouveaux cas a bondi de 40% en moins de 10 ans.(2)
- Le nombre de cancers oropharyngés dus au HPV risque même de dépasser celui de cancers du col de l’utérus d’ici 2020. (3)
- Selon le Professeur Marc Remacle, un taux de couverture vaccinale optimale permettrait d’éliminer ce type de cancer dû au papillomavirus en 10 à 15 ans.
- Pour la Société des Médecins Généralistes (SSMG), il semble adéquat de proposer la vaccination de dernière génération contre le HPV à tous les jeunes, quel que soit leur sexe.
« Je suis en couple depuis 15 ans. J’ai un enfant de 31 ans. Je vivais dans la joie et l’insouciance jusqu’à ce que je remarque une gêne à la gorge, je toussais sans arrêt. » explique Paul. « Après une biopsie en 2017, le diagnostic tombe et ma vie bascule : une forme sérieuse de cancer de la gorge causé par un papillomavirus. » Paul, âgé aujourd’hui de 65 ans, est la victime classique du cancer oropharyngé causé par un papillomavirus (HPV), tout comme Michael Douglas qui a été touché par ce même type de cancer il y a quelques années. Un virus extrêmement contagieux que quasiment tous les hommes et femmes sexuellement actifs contracteront à un moment donné. Bien que le système immunitaire évacue ce virus dans la plupart des cas, il se développe aussi parfois dans l’organisme, causant en Belgique 1094 cancers par an (de type oropharyngés, cervicaux, vaginaux, annales et du pénis). (4)
Selon le Professeur Marc Remacle, Professeur académique à l’Université de Louvain et ORL au centre hospitalier de Luxembourg : « Et si on commence à bien connaître le lien entre papillomavirus et cancer du col de l’utérus, celui entre papillomavirus et cancer oropharyngé reste confidentiel. Alors qu’au sein de nos départements, nous constatons une véritable épidémie de ces cancers dus au HPV chez les hommes. On compte 688 nouveaux cas de cancers oropharyngés par an dont 512 chez l’homme1. De ces cancers oropharyngés, 25% seraient dus à un papillomavirus. (2) Si les cas dus au tabagisme et à l’alcool diminuent grâce aux nombreuses campagnes de prévention, ceux dus au HPV sont en revanche en constante augmentation. Entre 2004 et 2012, le nombre de nouveaux cas a bondi de 40%. Ils pourraient même dépasser ceux du cancer du col de l'utérus d'ici 2020. » (3)
Selon le Conseil Supérieur de la Santé, l'évolution des pratiques sexuelles serait responsable de la diffusion du papillomavirus humain et donc de l'augmentation du nombre de cancers liés au papillomavirus humain. Les risques augmentent si les premiers contacts sexuels se font très jeune, en cas de partenaires sexuels multiples, en cas de contact bucco-génital ou de troubles de l’immunité. Le Professeur Remacle d’ajouter : « Aux États-Unis, au Canada ou encore en Suède, le pourcentage de cancers oropharyngés dus à un papillomavirus est d’environ 80%. (5)-(6)-(7) J’espère que nous n’atteindrons jamais ce pourcentage en Belgique mais nous ne sommes pas au bout de nos peines, ce type de cancer se manifeste 15 à 20 ans après la contraction du virus…. Aujourd’hui, il y a pourtant un moyen simple de se prémunir : le vaccin contre le HPV. Si à l’heure actuelle, dans notre pays, on rembourse ce vaccin pour les filles, ce n’est pas encore le cas pour les garçons malgré les recommandations du Haut Conseil Supérieur de la Santé. Il est urgent d’offrir cette possibilité aux garçons également, de prémunir les filles et garçons avec la toute dernière génération de vaccin et de sensibiliser les jeunes et leurs parents à la vaccination, le taux de couverture en fédération Wallonie-Bruxelles étant insuffisant (environ 30%) pour éviter sa transmission. Si tous nos jeunes étaient vaccinés contre l’HPV, ce type de cancer dû au papillomavirus pourrait être éliminé en 10 à 15 ans. »
En Europe, on observe une tendance d’étendre la vaccination contre le HPV aux garçons. D’ailleurs, depuis la semaine dernière, l’Allemagne recommande aux jeunes hommes de se faire vacciner contre le HPV. (8)
Selon Dr. Thierry Van der Schueren, Secrétaire Général de la Société Scientifique de Médecine Générale : « En dehors de toute analyse économique, il semble adéquat de proposer la vaccination de dernière génération contre le HPV à tous les jeunes, quel que soit leur sexe. En effet, au-delà du cancer du col, ce sont de multiples autres pathologies invalidantes et à la prise en charge difficile qui pourront être évitées. »
3 questions à Paul :
Avant de recevoir votre diagnostic, que saviez-vous du papillomavirus ?
Je n’en savais pas grand chose. Contrairement aux idées reçues, j’ai appris que ce n’était pas réservé qu’aux femmes. J’étais loin de m’imaginer que ce virus pouvait être à l’origine de mon cancer de la gorge. Je n’ai jamais fumé, je ne bois pas beaucoup et j’ai toujours été prudent lors des rapports sexuels. Cependant, il semblerait que j’ai contracté le virus lors de rapports sexuels oraux.
Quel a été votre parcours depuis le diagnostic ?
On m’a diagnostiqué un cancer de la gorge en mars 2017. Cela faisait un petit temps que je me plaignais d’un gonflement à l’arrière de la langue et je toussais continuellement. On m’a arraché plusieurs dents et j’ai subi une séance de radiothérapie. Cela allait jusqu’à ce que je reçoive des rayons. Suite à cela j’ai perdu beaucoup de poids et il m’est devenu difficile de goûter, avaler et manger. J’avais également souvent la bouche sèche. Aujourd’hui, je me sens bien, même si je ne suis pas encore totalement guéri. J’ai un contrôle tous les deux mois.
Souhaitez-vous faire passer un message ?
A mon époque, il n’y avait aucune possibilité de se prémunir contre le HPV. Aujourd’hui, c’est possible ! Je conseille donc à toutes les jeunes filles et tous les jeunes hommes de se faire vacciner. Cela peut leur éviter bien des tracas des années plus tard. Je ne souhaite à personne de passer par où je suis passé.
Pour toute demande d’interview avec le Professeur Marc Remacle ou le Docteur Thierry Van der Schueren, veuillez contacter Pride.
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(1) Registre du Cancer, “Cancer Burden in Belgium 2004 – 2013”, 2015, p.32
(2) Koenraad Grisar, MD, Ruveyda Dok, PhD, Sandra Nuyts, MD, PhD, (Et Al.), 2016 ,“Differences in human papillomavirus – positive and – negative head and neck cancers in Belgium: an 8-year retrospective, comparative study”, Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol
(3) Anil K. Chatuverdi (Et Al.), 2011, “Human Papillomavirus and Rising Oropharyngeal Cancer Incidence in the United States”, Journal of Clinical Oncology
(4) Hartwig S. et al. Infect Agent Cancer 2017;12-19
(5) Viens LJ, Henley SJ, Watson M, Markowitz LE, Thomas CC, Thompson TD, Razzaghi H, Saraiya M, Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Human papillomavirus–associated cancers—United States, 2008–2012. MMWR 2016;65(26):661–666
(6) Pamela Liao and Vivien Brown, 2014, “Oral health and prevention and screening for HPV”, CMAJ
(7) A. Nasman, P. Attner, L. Hammarstedt, (Et Al.), 2009, “Incidence of human papillomavirus (HPV) positive tonsillar carcinoma in Stockholm, Sweden: an epidemic of viral-induced carcinoma?”, Int J Cancer
(8) Aertzezeitung, HPV-Impfung künftig auch für Jungen, https://www.aerztezeitung.de/kongresse/kongresse2018/mannheim2018_dgim/article/961849/stiko-hpv-impfung-kuenftig-jungen.html?ticket=ST-135412-X4aeuVDWQ5NA0hQx7oB0-f47fde06-c690-4696-4e98-d9bc; consulted 19.04.2019